La Fontaine politique

par Pierre Boutang , Gérard Breuil

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352 pages, 26 €


« Le cœur, sous la forme plus étroitement politique du courage, est le moteur de l’histoire. »
Pierre Boutang.

Dans l’Europe des salons déjà invinciblement entraînée par la révolution cartésienne et par la force d’arrachement des idées neuves, La Fontaine comprend que les fables tiennent le fil des valeurs héroïques et parlent encore ce qu’il appelle la «  langue des dieux  ». À travers les siècles de fer qui s’annoncent, et qui emporteront non seulement le roi –  le chêne de la fable – mais le roseau pensant,  la fable a le pouvoir de transporter ces royaumes engloutis dans le cœur vivant d’un peuple.

« Il semble que l’heure, bonne et sévère, soit venue de reconnaître nos erreurs sur la figure de la force, écrit Pierre Boutang, et de sauver ce qu’elle a de divin – d’en implorer le salut : la seule réelle force politique sera désormais, si nous ne nous laissons pas écraser par le cadavre des derniers siècles, la communication propre aux communautés de naissance qui choisiront héroïquement d’y situer principalement leur salut : la perfection d’une langue aux divers degrés de sa vie authentique, et d’abord de sa transmission religieuse aux enfants de chaque patrie. Je ne dis plus seulement que ma patrie c’est la langue française, mais que c’est l’enseignement et la tradition de cette langue dans son intégrité. Tous les autres biens passent effectivement par celui-là ; c’est en lui que l’intérêt, et les intérêts deviennent par une métamorphose quotidienne, le bien commun national. Ainsi chaque fois qu’un enfant apprend sa langue, il imite et prolonge l’aventure capétienne du rassemblement d’une terre dans l’unité de sa parole maîtresse, gardienne de l’unité du cœur. (…)
La renaissance sera héroïque. Elle le sera d’abord dans la langue, par le refus de la laisser dissoudre, dans la rigueur de sa prose, mais aussi par le retour à son chant originel. Il n’y a pas de tâche plus urgente que l’œuvre poétique, pour rendre à la parole la tension et les mesures capables d’ordonner tous les autres devoirs. »
(La Fontaine politique.)

D’où pourrait venir «  la langue des dieux  », sinon de ces héros dont notre temps ne veut plus ou déforme le visage ? C’est par la langue que le souffle de l’histoire parvient jusqu’à notre cœur et le fait vivre. Sans cette force proprement poïétique, il n’y a d’ailleurs pas de vie politique possible. C’est par la naissance, l’acte sensible et personnel de naître, et par la force sur le cœur des mots de la langue nationale – leur mémoire objective initiant aux beautés de la langue ­–  que l’héritage est transmis, que la part significative des tribulations humaines nous est contée. C’est par cette transmission que nous pouvons être, ou tenter d’être un homme, un Mensch – tant que «  la société qui se veut païdéïa, se construit dans la transmission de ses mythes fondateurs ou salutaires  ». 

Cette nouvelle édition du La Fontaine politique* de Pierre Boutang est augmentée d’un léger, mais précieux appareil critique et de trente-six animaux à l’encre de Chine de Gérard Breuil.

De Pierre Boutang, Les provinciales ont publié :

La Guerre de six jours, présenté par Michaël Bar-Zvi et Olivier Véron, coll. «  Israël et la Franc e», 2011.
La Politique, la politique considérée comme souci, avec une postface de Michaël Bar-Zvi, 2014 (première édition Jean Froissart, 1948).
Reprendre le pouvoir, avec une introduction de Olivier Véron, 2016 (première édition Sagittaire, 1978).

* Pierre Boutang, La Fontaine politique, avec trente-six animaux de Gérard Breuil à l’encre de Chine, Les provinciales, 2018 (première édition J.-E. Hallier / Albin Michel, 1981).

 

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Si c’est le héros qui mène l’histoire, celui qui donne l’alerte à l’inverse, c’est le lièvre, animal bien aimé de Boutang dans les Fables, et auquel La Fontaine se compare. Certes, le lièvre est peureux, nerveux et vif, mais cela ne veut pas dire lâche et le lion-roi s’en va-t-en guerre en proclamant que ce caractère est un don. La vitesse technique de «  notre frère lièvre  », ses apologues serrés, est précieuse, liée à son sens du danger, qu’il anticipe mieux que quiconque, malgré sa distraction, parce qu’il connaît notre faiblesse (à la cour et ailleurs «  le faible lièvre  » serait la figure du pauvre et du persécuté). C’est le genre prophétique, une espèce d’instinct. Ceux qui ont de meilleures défenses sont plus lents, lui peut servir de courrier. En un sens cela aura a été le rôle des Fables jusqu’à nos jours  : la transmission dans toute sa vivacité d’une langue et la mémoire efficace d’une sagesse politique, dont Boutang rappelle que l’intention du poète était qu’elles servent à l’éducation des rois. Notre peuple ne l’est-il pas devenu  ? Pas vraiment. «  Il se fit arbitre-né  ».


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« Pourquoi le nationalisme?
Pour qu’on apprenne par cœur La Fontaine.
. » 

Emmanuel Berl,
Mort de la morale bourgeoise.

 

« Par peur de voir renaître une génération de héros, les éducateurs renoncent à cette universalité fantastique d’un imaginaire commun, qui se trouve dans les mythes, les lettres et les légendes des anciennes cultures. Ils n’y voient que la nostalgie du vieil ordre alors que c’est grâce au maintien d’une dimension héroïque en l’homme que l’on peut éviter la démesure ou l’idolâtrie.. »

Michaël Bar-ZviÉloge de la guerre après la Shoah.

 

« Impitoyable école de grandeur, de sagesse et d’esprit, les Fables ont fait de chaque enfant de France un Dauphin. »

Marc Fumaroli, Le Monde.

 

« Ce livre, qui sans être fable est un trésor de merveilles, arrive à la définition de la seule réelle force politique : la perfection de la langue. »

Ghislain Chaufour,
La Nouvelle Revue Française.

 

« Boutang n’attribue pas une politique au fabuliste, il ne transforme pas les Fables en programme électoral ni en petit livre rouge. Mais il célèbre en La Fontaine le penseur de la condition politique des hommes, c’est-à-dire de l’homme comme “animal politique“. »

Bérénice Levet,
Le Figaro.

 

« Votre Ontologie a été pour moi pure révélation et sommation à suivre sur pareil chemin. Votre traduction de Platon, vos reprises de Scève, de Blake, votre La Fontaine, soudain robuste et dense d’intelligence politique comme le furent Dryden et Pope – autant de rencontres avec une pensée, avec une flamme d’être qui me sont devenues si nécessaires. Vous savoir au travail m’est comme un talisman discret. » 

George Steiner

 

« J’essaie de vous résumer à vous-même, mon cher Pierre Boutang et, vous le voyez, je vais trop vite. Mais non sans m’appliquer à ne pas trop défigurer cette esquisse d’une grande philosophie  : car elle correspond point par point aux postulats d’une poésie aussi merveilleuse que familière, au secret de ses nécessités et de ses convenances, comme à la juste ambition de quiconque s’est laissé faire par sa nonchalante beauté, gagner et modeler de son invisible charme victorieux. Vous ne pouvez vous y tromper  : dans cette force d’âme qui dompte toutes les autres, vit et règne un génie puissant, maître universel de son art, auquel toutes les matières ont obéi, comme vous le montrez à la perfection. »

Charles Maurras

 

« C’est assurément un des plus beaux essais de Boutang, qui mettait La Fontaine au-dessus de Racine ; qui en avait fait un de ses deux auteurs de chevet, l’autre étant Dante. »

Gabriel MatzneffLe Point.