La Politique

la politique considérée comme souci

par Pierre Boutang , Michaël Bar-Zvi

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160 pages, 15 €


« Sans doute, les tristes abstractions dont la société libérale et bourgeoise, autour de 1928, continuait à se mystifier elle-même, pouvaient être facilement rejetées. J’étais boursier dans un lycée, et je savais par contact quelle dérision c’était que l’égalité humaine proclamée par cette société. Je pense que les garçons de mon âge et de ma condition, si la crise française avait été aussi aiguë que la crise allemande, et s’ils avaient rencontré un message analogue à celui de Hitler, auraient été assez facilement “nationaux-socialistes” et auraient renié toutes les lois non écrites, dans le saccage des valeurs abstraites superficielles qui coïncidaient avec le contenu idéal de la “démocratie” : il suffit de ne plus penser aux lois non écrites les plus authentiques, de s’engager dans la multiplicité concrète de la vie, pour que, peu à peu, l’horreur constitue son domaine à part, secrètement voisin de la joie et des accomplissements d’une cité.

Pour moi, l’étonnement et l’ivresse devant les formes particulières, les idées naissant au contact même des choses (celles aussi qui naissent pour l’homme à l’occasion de ses besoins et de ses désirs) étaient un risque certain. Elles créaient une indifférence morale complète, et m’absorbaient dans la particularité. Les préceptes, par eux-mêmes, auraient été sans force contre un mouvement toujours plus ivre de connaissance. C’est l’autorité de mon père (le fait qu’il reconnaissait ces lois non écrites) qui me maintint, au moins théoriquement, dans leur domaine. À l’origine, l’idée du père (et elle seule) donne son sens et sa valeur vivante aux interdictions : la loi morale, le respect de l’homme, aucune de ces richesses idéales ne nous appartient vraiment, n’est tout à fait reconnue par nous, qu’à travers la relation première et privilégiée du fils au père.
La réflexion politique ne pouvait alors me trouver désarmé. Les passions et les opinions sur les choses de l’État attendent, à vrai dire, très tôt les jeunes Français. Quand ils entrent en classe de philosophie, les jeux sont presque toujours faits, et les positions prises. La guerre civile permanente qu’est l’histoire de la France depuis plus de cent ans accumule les ressentiments et les préférences dont dépend toute décision. À quinze ans, je me trouvais placé dans un monde fortement “politisé” et particulièrement absurde dans ses justifications. Les choix n’avaient pas les conséquences qu’ils auraient eues dix ans plus tard, où la mort, la perte de la liberté et quelques autres graves sanctions ont prolongé, pour tant de jeunes hommes, des décisions arbitraires : comment n’auraient-elles pas été arbitraires ? Qu’y avait-il dans l’enseignement officiel d’une démocratie dont la fonction première eût dû être de former des citoyens, qui permît vraiment de choisir ? Mais la politique ne pouvait justement être pour moi affaire d’opinion ni de préférence. Une idée était venue mesurer toutes les autres. La métaphysique même, où je m’élançais joyeusement à l’entrée de la classe de philosophie, ne pouvait déterminer la politique : c’est, au contraire, la politique, pour autant qu’elle prolongeait ma réflexion sur le rapport au père, sur cette situation idéale et non-choisie, qui avait mesuré, limité, la métaphysique naturelle et l’espèce d’aliénation dans les idées ou les essences que j’ai essayé de décrire.
Le nationalisme, dont je trouvais les lignes claires, dessinées dans l’œuvre de Charles Maurras, ne m’était pas une doctrine à laquelle je dusse adhérer de volonté : il était une éthique, une manière d’agir exprimant mon rapport à une communauté de naissance que je n’avais pas choisie , pas plus que je n’avais choisi mon père. Ce rapport “arbitraire” n’en était pas moins plus naturel que ma “nature” d’homme isolée de lui. Toutes les relations spirituelles se révélaient, se développaient à travers lui. Bien loin que ce nationalisme fût une doctrine d’orgueil, il suspendait tous les bonheurs du monde à l’acte d’humilité initial, la reconnaissance d’une finitude originelle : je nais ici, et non ailleurs, fils d’une famille, héritier d’un nom. Il ne dépend pas de moi que la spiritualité humaine et la civilisation ne se manifestent pas comme un système de volontés mais comme une histoire. »

Pierre Boutang


« Cette lecture m’a servi de bouclier et de vaccin pour résister aux tentations des idéologies totalitaires. »

Michaël Bar-Zvi
Postface à la Politique

 

« Sans une métaphysique préalable de l’histoire, nulle philosophie de l’existence ne peut se défendre de l’accusation de tricher avec la réalité humaine… »

Pierre Boutang
La Politique

 

« Le coup de génie de Boutang est ici : la contingence de la naissance n’est pas un argument qui autoriserait le détachement de l’être humain de sa communauté, mais, au contraire, elle fonde leur absolue solidarité. Toutes les pages sur la trahison et sa punition – les plus belles jamais écrites, en philosophie, sur ce thème – sont l’implacable illustration de cette solidarité. Dans le moment de retournement historique que nous vivons, l’heure de Boutang pourrait bientôt sonner…  »

Robert Redeker
Valeurs Actuelles

 

« Boutang reprend le pouvoir.»

Jean Birnbaum
Le Monde

 

« Le siècle de Boutang. »

Sébastien Lapaque
Le Figaro