Le 9 janvier, Arte diffusait un reportage excellent et poignant : « La fin des chrétiens d’Orient ? » Le point d’interrogation était presque de pure forme. Un Turc racontait que son village, chrétien, avait été rasé puis qu’on avait donné à la population le droit de revenir et de rebâtir tout sauf l’église. Voilà ce qu’est un dhimmi : une personne prétendument protégée par l’État contre… l’État qui l’opprime.
Deux points cruciaux
Bat Ye’or a étudié cette condition de dhimmi et publié en 1980 un ouvrage fondamental, qui vient d’être réédité par Les provinciales, avec la belle et nécessaire préface de Jacques Ellul. Il y a deux points cruciaux. Le premier, c’est que le dhimmi n’est pas protégé ; il est toléré et nanti de droits octroyés par un pouvoir musulman qui considère que le dhimmi n’a droit à aucun droit sinon à ceux que ce pouvoir musulman veut bien lui conférer, selon sa bonne grâce, droits révocables à tout moment. Quels que soient les droits octroyés par quelque pouvoir musulman que ce fût ou que ce soit, ces droits n’ont jamais eu d’autres fondements que le bon vouloir de l’envahisseur – et ces droits ont toujours évolué, dans le temps, de façon aussi arbitraire que la décision turque d’interdire de rebâtir une église (sans parler de l’évolution évidente et parallèle qu’est la longue histoire des spoliations, massacres et génocides qui ne constituent jamais, par essence, une violation des droits octroyés). Le second, c’est que tout pouvoir musulman procède ainsi, sous toutes latitudes et à toutes époques – et Bat Ye’or l’établit fort bien. La notion de dhimmi date des premières spoliations, des premiers asservissements des Juifs à Médine par Mahomet. C’est là que la théorie musulmane du butin légitime, de l’abaissement légitime, de l’asservissement légitime, du meurtre légitime est forgée, et elle n’a jamais été contredite. Tout terre conquise par les musulmans voit ses habitant ou convertis ou soumis. Le Dhimmi est un livre historique, certes ; c’est aussi un avertissement. Et depuis 1980, il ne semble pas qu’il soit moins urgent de le lire et de l’entendre. ❑
Philippe Mesnard, L’Action Française n°2970, 70e année, du 18 au 31 janvier 2018
✓ « La fin des chrétiens d’Orient ? », reportage
diffusé sur Arte, rediffusion vendredi 2 février à 9 h 25, en ligne jusqu’au 10 mars.
✓ Bat Ye’or, Le Dhimmi – Profil de l’opprimé en Orient et en Afrique du Nord depuis la conquête arabe, préface de Jacques Ellul, Les provinciales, 2017, 160 pages, 15 euros.