Les provinciales rééditent Georges Bernanos encore une fois, le premier livre de Sébastien Lapaque, paru en 1998. Depuis cette date, il a poursuivi ses recherches à travers des articles, des préfaces, l’édition de témoignages (Mon vieil ami Bernanos de Paulus Gordan, Cerf, 2002) et une enquête en Amérique du Sud (Sous le soleil de l’exil, Georges Bernanos au Brésil, Grasset, 2003). Les dix textes publiés en annexe de la nouvelle édition de Georges Bernanos encore une fois restituent vingt ans de travaux en éclairant notamment la découverte par l’écrivain de l’existence juive.
– Selon vous, les pages sur la « conquête juive » de La Grande Peur des bien-pensants que l’on continue de reprocher à Georges Bernanos relèvent-elles de l’antisémitisme d’État prôné par Charles Maurras ou du vieil antijudaïsme chrétien ?
– Ni l’un ni l’autre. Chez Bernanos, le préjugé antisémite ne procède ni d’un système positiviste à la sèche intellectualité, comme chez Maurras, ni d’une focalisation sur le « peuple déicide », comme l’ont fait certains Pères de l’Église. J’emploie à dessein le mot « préjugé », en l’opposant à celui de doctrine. Dans Céline, la race, le juif (Fayard, 2 017), Pierre-André Taguieff a montré qu’on ne pouvait parler d’antisémitisme que lorsque l’on avait affaire à une vision du monde complète dans laquelle les juifs diabolisés étaient responsables de tous les maux de la terre, généralement par le moyen d’une grande conspiration dont le Protocole des sages de Sion a fourni le modèle. On est loin de cela dans La Grande Peur de bien-pensants. (…)