Michel Onfray attaque le gilet jaune de l’édition

Non sans embarras Michel Onfray a déclaré dans une vidéo de sept minutes publée le 19 septembre 2023 sur sa propre chaîne, et montrée plus de 100 000 fois : « Je trouve que c’est un petit peu fort de prétendre que j’ai été… que je suis coupable de… [et il se touche le nez] de plagiat » (michelonfray.com).

• Michel Onfray fait référence à la page wikipedia qui le concerne et qui mentionne un simple article d’« un obscur auteur de Mediapart » (dit-il) publié « sur un obscur site », rendant compte d’une ordonnance du Tribunal judiciaire de Paris (linforme.com).
• C’est l’occasion pour lui de s’en prendre à nouveau, avec un curieux mélange de dédain et d’entêtement, à une petite maison d’édition que « personne ne connaît » (dit-il) et qu’il a déjà attaquée devant les tribunaux par trois procédures consécutives : Les provinciales (« petit Poucet de l’édition » selon Richard Millet).

• J’ai déjà raconté ce différend dans la préface au livre de Pierre Boutang, Précis de Foutriquet, que j’avais dû rédiger moi-même après la défection de Michel Onfray, et c’est ce récit que celui-ci me reproche apparemment. (Je donne ici un résumé de l’affaire des plus rapide, que j’avais rédigé initialement à la seule attention de son avocat.)

• En première instance le Tribunal des référés – sollicité par Michel Onfray pour exiger la destruction de ce livre et demander des réparations faramineuses sous prétexte que j’avais dû citer quinze lignes du texte qu’il nous avait écrit – a donc conclut qu’il fallait débouter Michel Onfray «de ses demandes de retrait, de cessation de vente, de destruction, de suppression de la préface litigieuse… » (Ordonnance de référé rendue le 22 février 2023 par Jean-Christophe Gayet, Premier Vice-Président adjoint au Tribunal judiciaire de Paris.)
• Or Michel Onfray continue de prétendre, dans cette vidéo que l’affaire porterait sur l’origine du mot foutriquet que nous attribuerions à Pierre Boutang… Il n’en est rien ! Boutang dans son livre a parfaitement expliqé l’emploi de ce mot ainsi que son précédent communard (cf. extrait).
• En revanche dans cette première des procédures que Michel Onfray a lui-même diligentées, le Tribunal a clairement expliqué que « la proximité des titres des ouvrages Foutriquet de M. Onfray etPrécis de Foutriquet réédité par Les provinciales, l’identité de la thématique choisie, consacrée à la critique du Président de la République sortant se représentant à l’élection présidentielle, l’imitation de l’intitulé de quatre chapitres (…), la concomitance des dates de parution des deux ouvrages et la circonstance que M. Onfray a reconnu avoir découvert le mot “foutriquet” grâce à Pierre Boutang démontrent qu’il a volontairement et déloyalement tiré profit des investissements des provinciales en vue de la réédition du Précis de Foutriquet. Ces faits caractérisent des actes de parasitisme non sérieusement contestables engageant la responsabilité civile de M. Onfray. »
• Le Tribunal finissait par enjoindre les deux parties à contacter un médiateur, à la suite de quoi Michel Onfray imagine que nous lui aurions proposé « à genou à quatre pattes » (dit-il dans sa vidéo) « un arrangement financier ». Cela est tout à fait inexact et diffamatoire.

Michel Onfray a fait appel : « J’espère que l’on dira le droit », conclut-il dans sa vidéo, tout en accusant étonnamment le journaliste Clément Fayol, qui rapporte fidèlement une Ordonnance de Tribunal, de donner « des informations mensongères »…
• Le 17 avril 2025, Michel Onfray nous demande encore de compléter la présente page avec l’arrêt de référé de la Cour d’Appel de Paris rendu le 31 mai 2024  selon lequel  « en publiant un extrait de la préface dont Michel Onfray est l’auteur et que celui-ci n’a pas divulguée au public, M. Véron et la société Les provinciales ont porté atteinte au droit moral de M. Onfray, celui-ci ayant seul le droit de divulguer son œuvre et fixer les conditions de cette divulgation. Il s’agit d’un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser… »
Michel Onfray a donc obtenu de faire valoir son droit moral pour que disparaissent des libraires les quelques lignes où il évoque son professeur de philosophie à la Sorbonne, et que disparaisse aussi le Précis de Foutriquet qui lui avait fait connaître ce mot et son usage.
Sur les autres griefs le Tribunal de référé ne reconnaissait aucune urgence à se prononcer.

Le jugement sur le fond a été rendu le 23 mai dernier :
Le Tribunal judiciaire de Paris sollicité par Michel Onfray a jugé que « la reprise littérale, sans l’autorisation de l’auteur » de douze ou quinze lignes inédites écrites de la propre main de celui-ci sur Pierre Boutang pour notre réédition de Précis de Foutriquet, « constitue une contrefaçon du droit d’auteur ». 
« Les provinciales ont, par ces mêmes agissements, divulgué au public l’extrait litigieux malgré une opposition claire de l’auteur ». Certes.
« L’estimation du préjudice moral tient compte de ce que M. Onfray a expressément exprimé sa volonté de ne pas publier l’extrait constituant l’œuvre litigieuse. La gravité du préjudice moral doit toutefois être relativisée alors que seul l’exercice littéraire est argué d’originalité et que l’anecdote objet de l’extrait avait été antérieurement divulguée par Monsieur Onfray lui-même dans une vidéo accessible sur son site internet. Ces circonstances justifient de condamner, in solidum comme responsables du préjudice causé, M. Véron et la société Les provinciales ». Soit.

Le Tribunal rappelle en outre que  « le parasitisme économique est une forme de déloyauté, constitutive d’une faute au sens de l’article 1240 du Code civil, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis ».
À ce sujet « aucune faute de M. Véron ou de la société Les provinciales n’est démontrée ».
En revanche, « Monsieur Onfray savait depuis le mois d’août 2021 que le Précis de Foutriquet de Pierre Boutang allait être réédité par les défendeurs qui en ont fait la promotion de septembre à décembre cette même année. Il a pourtant, à la même période en tenant compte des délais d’édition, rédigé et publié un texte ayant la même démarche critique ciblant un président sortant et reprenant la formulation des titres de l’ouvrage initial. Il a ainsi directement profité des investissements de la société Les provinciales en se plaçant dans son sillage. Il a donc commis une faute civile par ce comportement parasitaire. »

C’est pourquoi :

« Le tribunal,
Condamne in solidum M. Olivier Véron et la société Les provinciales à payer à M. Michel Onfray la somme de 1 500 euros en réparation de la contrefaçon de droit d’auteur constituée par la reprise et la divulgation d’un texte dont il est l’auteur dans la préface à la réédition de l’ouvrage Précis de Foutriquet de Pierre Boutang,
Condamne Monsieur Michel Onfray à payer à la société Les provinciales la somme de 3 000 euros en réparation des faits de parasitisme constitués par la publication d’un ouvrage intitulé Foutriquet depuis le 2 mars 2022 en se plaçant dans le sillage de la publication d’une réédition du livre Précis de Foutriquet de Pierre Boutang, par la société Les provinciales » et
« Condamne Monsieur Michel Onfray à payer à la société Les provinciales la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur Michel Onfray aux dépens. »

« Fait et jugé à Paris le 23 mai 2025
La Greffière  Alice Lefauconnier
La Présidente Irène Benac »

• Mais Michel Onfray va probablement faire appel de ce jugement.

« Sans une métaphysique préalable de l’histoire, nulle philosophie de l’existence ne peut se défendre de l’accusation de tricher avec la réalité humaine. »
Pierre Boutang,
La Politique. La politique considérée comme souci, 1947.