Martine Gozlan, Marianne : « Qui se souvient des Juifs d’Égypte ? »

Sur les rives du Nil perdu

Qui se souvient des juifs d’Egypte ? Bat Ye’or, « Fille du Nil » en hébreu, le pseudonyme de Gisèle Littman-Orebi, remonte le cours du temps dans un superbe roman autobiographique, écrit au début de son exil, en 1956, après la fuite de la communauté hébraïque du Caire. Le khamsin, le vent des sables, s’est levé avec les cris de haine contre des dizaines de milliers d’Égyptiens, dépossédés de leur nationalité et de leurs biens par Nasser. Désormais, tous les juifs sont considérés comme des traitres à la patrie. Elly, l’héroïne, réfugiée à Londres, revit les derniers instants de la traque. Et puis l’adieu, dans l’avion : « Je me penchai et regardai en bas : l’Égypte, la terre noire, ses palmiers, ses buffles lents, ses villages de boue, ses canaux, ses champs pris en tenaille par les déserts de feu… c’était mon dernier regard à mon pays. »
Mais elle veut aussi ressusciter la mémoire des siens. « Elly devenait progressivement une vaste cavité, et c’était en elle que les morts
se déplaçaient, discutaient, déambulaient… » écrit l’auteur. Ce farhoud, la « dépossession violente » en arabe, fut la règle pour l’ensemble du judaïsme en terre musulmane. Après vint le tour des chrétiens. Des « hommes en trop », comme l’écrivit Jean-François Colosimo.

Martine Gozlan, Marianne, 28 juin 2019.

Le dernier khamsin des Juifs d’Égypte, Bat Ye’or.