(extraits de l’entretien avec Richard Millet))
Le grand écrivain nous livre une puissante méditation sur ce qui se joue au sein du couple.
Un livre plus intempestif qu’on ne l’imagine à une époque bien décidée à liquider le couple après la famille et la nation.
JDD. — L’amour monogame indissoluble tel que l’a inventé l’Occident est devenu quelque chose d’intenable, voire d’incompréhensible, non ?
RM. — C’est surtout incompréhensible… La suspicion jetée sur le mariage s’inscrit dans un ensemble de dévalorisation de tout ce qui a fait que nous étions l’Occident…
— Votre livre apparaît comme un long ressassement fragmentaire. Pourquoi cette forme ?
— La forme que j’ai employée traduit une volonté de cerner un sujet incernable : l’homme et la femme, deux mystères, se rencontrent, mais ne se rencontrent pas tout à fait et c’est ce manque dans la rencontre, justement, qui m’intéresse…
À la suite de la mort de mon épouse, ce sujet s’est mis à me parler vraiment, comme si le dialogue avec ma femme devait continuer de manière posthume… La logique de la joute n’est pas la dialectique. La dialectique, c’est la guerre des sexes. La joute n’est pas une guerre, elle est verbale, même si c’est un silence. Le murmure amoureux est une des plus belles choses du monde, c’est la musique absolue de l’humanité.
— Le catholicisme n’offrait-il pas une perspective supérieure sur le rapport amoureux ?
— Lorsqu’on les débarrasse de l’imagerie dont on les affuble depuis deux siècles, les vertus du catholicisme sont quelque chose de très puissant. Notamment parce que la connaissance que possède le catholicisme du rapport entre hommes et femmes est prodigieuse… La joute suppose un mystère qui est le fondement même du couple…
Propos recueillis par Zoé Leuchter et Romaric Sangars, Le Journal du Dimanche n°4106 du 21 septembre 2025.
• Richard Millet, La Joute.