Avec ces trois volumes, ce sont nos vingt premières années du XXIe siècle, 2000-2019, qui sont vécues de l’intérieur, en mille cinq cent pages rapides et fortes. « Ce journal n’a de sens qu’à condition de ne jamais relire ce que j’y note. » C’est cela, bien sûr, qui donne à une telle entreprise sa valeur unique, démonstrative, exemplaire : le fait que celui qui écrit avance dans sa propre existence sous le regard du lecteur les yeux bandés, hors de toute construction romanesque, et n’en consigne pas moins la progression implacable vers notre propre fin, « comme si tout était voué à entrer dans l’arborescence d’un énorme Journal dont celui que je publie ne serait que le tronc ».
« Ne confonds pas le sentiment de ta propre fin (l’angoisse de la mort) et celui de la civilisation qui s’achève », est-il ainsi écrit : le petit Blanc – ceux que Christophe Guilly a appelés « les dépossédés » – peut se hisser, avec Richard Millet à la hauteur d’un destin national – et même européen.
L’inscription de ce Journal dans le temps prouve notamment le caractère factice du procès en extrémisme qui lui a été fait, l’imposture précisément de ceux dont Richard Millet dénonçait l’imposture. Ainsi le pseudo « éloge » de Breivik n’en était pas un, et il n’était nullement répréhensible, Richard Millet n’est pas un écrivain « maudit » qui devrait regretter quoi que ce soit de ce qu’il a écrit ; en revanche il a été méthodiquement écarté par les faussaires, ostracisé, comme le sont aujourd’hui, après lui, Pierre Manent* ou d’autres, poursuivis par les bien-pensants et quelquefois les tribunaux**.
Mais c’est en vain, car, pendant ces décennies, les esprits mensongers n’ont pas réussi à « faire barrage » à l’extrême droiture et ils n’ont fait au contraire que décrédibiliser implacablement les institutions et l’idéologie qu’ils prétendent lui opposer ; une majorité malheureuse partage désormais le refus tragique de la société qu’ils nous préparent, et dont les Juifs de France ou d’Israël furent les premières victimes, mais les chrétiens et les musulmans-nés seront les suivantes ; cette « littérature » et cette « politique » mensongères sont dénoncées et déshonorées, l’Europe sans frontières et le socialisme se sont enfoncés dans la guerre et l’échec économique total, la compromission de l’alliance avec les islamo-progressistes est une forfaiture. Échappant à deux tentatives d’assassinat Donald Trump a remporté les élections américaines et Benyamin Netanyahu a déjà changé le cours de l’histoire, à Gaza, au Liban, en Syrie et bientôt en Iran. Le vide du macronisme s’étale partout sous nos yeux et les media où le nom de Richard Millet apparaît (le Journal du Dimanche ou Cnews ont plus de faveur dans le pays que n’importe lequel de leurs ennemis.
Ce n’est pas « notre » civilisation qui s’effondre mais ceux qui avaient programmé sa destruction.
Olivier Véron, Les provinciales.
* voir causeur
**