Richard Millet est l’un des grands écrivains contemporains, dont le talent est éclipsé par l’interminable controverse suscitée par ses pamphlets incendiaires et ses prises de position politiques.
Millet est un érudit raffiné, un mélomane passionné, un polémiste à la plume acérée, mais aussi un homme d’action. Il a combattu, en fait, Ak-47 en main, avec la phalange libanaise contre ce qu’il a appelé, dans une interview précédente, les “forces islamo-progressistes”. Sans surprise, il semble préférer les romanciers de combat : Malraux, Hemingway, Malaparte, Faulkner et Simon.
Son expérience libanaise l’a rapproché d’Israël, du peuple juif et de la religion chrétienne. Il a consacré un livre à Israël, Israël depuis Beaufort, dans lequel on peut lire : “N’y a-t-il pas toujours un juif qui témoigne pour moi, sinon en moi, un chrétien si plein de reconnaissance éternelle?”.
Dans cet entretien, accordée à L’Informale, il répond à quelques questions sur la musique, le silence et, bien sûr, Israël.
Je commencerais par la musique, sa grande passion. Jean Sibelius était l’un des grands compositeurs de l’histoire de la musique, auteur de chefs-d’œuvre tels que Valse triste, Karelia suite, Finlandia, symphonies et concertos pour violon. Vous avez dédié un livre à Sibelius. Qu’est-ce qui vous fascine et qu’est-ce qui vous inquiète chez le compositeur finlandais?
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Le professeur Renato Cristin, dans la préface de l’édition italienne de De l’antiracisme comme terreur littéraire, écrit: “L’expérience de la guerre du Liban a renforcé chez Millet la conviction que la culture juive est non seulement une partie intégrante mais aussi constitutive de l’identité européenne”. Quelle est la contribution des Juifs à la civilisation européenne? Une présence juive en Europe est-elle encore possible?
La contribution des Juifs à l’identité européenne est si considérable qu’on ne voit pas comment l’en séparer ou la passer sous silence, comme le voudraient les antisémites. J’ai souvent dit, par exemple, ce que je dois aux interprètes juifs de la musique classique, de Clara Haskil à Evgeni Kissin, à des compositeurs comme Mendelsohnn, Ernest Bloch, Milhaud, à des poètes comme Mandelstam, Fondane, Celan, Brodsky, Jabès, à Proust, Kafka, Primo Levi, Bassani, aux philosophes Chestov, Rosenzweig, Harendt, Levinas, ou un essayiste comme George Steiner, etc. Et à la Bible, bien sûr… Les Juifs français constituent encore la communauté la plus nombreuse, en Europe. Ils sont, hélas, l’objet de la haine antisémite de la part d’immigrés musulmans qui représentent l’actualisation, via l’islamisme, de l’antisionisme, et montrent bien l’incompatibilité de l’islam et du judéo-christianisme.
Vous avez consacré un livre à Israël, Israël depuis Beaufort, Qu’est-ce que vous aimez en Israël? À votre avis, quelles sont les raisons de la haine antisioniste?
J’ai grandi au Liban, entre 1960 et 1967. En face d’Israël, donc. J’y ai vu la Guerre des Six Jours. Plus tard, je me suis engagé aux côtés des chrétiens libanais, contre les Palestiniens marxistes qui tenaient sous leur coupe le Liban, pays militairement faible. Si le président Béchir Gemayel, n’avait pas été assassiné, en 1982, il aurait signé la paix avec Israël, nous le savons, et le Hezbollah ne contrôlerait pas aujourd’hui ce pays comme une organisation politico-mafieuse… Israël est donc, pour nous, le miroir de ce que devrait être toute nation, aujourd’hui, au lieu de se dissoudre dans le conglomérat sans âme de l’Union européenne, où le politiquement correct semble l’unique horizon politique. L’Union européenne est une structure économico-politique au service d’un Marché mondialisé pour lequel les nations, les droits de l’homme, l’antiracisme, les théories du genre sont des appareils idéologiques d’Etat servant à faire taire les récalcitrants qui refusent le nouvel ordre mondial.
propos recueillis par David Cavaliere pour L’Informale