Charles de Meyer, Politique magazine : « Bombes et sensualité. »

« L’orientaliste contemporain avait deux manières de rassasier sa passion cet été. Il pouvait s’accabler des nouvelles internationales et craindre pour la famine, la sécheresse et la guerre au Proche-Orient et dans la Corne de l’Afrique. Il pouvait également se délecter des périodes de Richard Millet qui revient sans cesse au Liban, dans l’histoire de sa sensualité, publiée sous le titre La Forteresse – Autobiographie 1953-1973 chez Les provinciales. Millet creuse sa famille, son père, ses pulsions, ses vices et ses racines dans un texte qui excède de loin les limites que l’auteur s’était imposées. Toujours, Beyrouth revient, comme un motif qui devrait se glisser partout, se fondre dans la vie des sens et de l’esprit de l’ancien éditeur tourmenté. En lisant La Forteresse et son affirmation minutieuse des origines du talent de son auteur, il faut être attentif à ce que le Liban, et singulièrement sa guerre civile, furent comme ce qu’il y eut de plus limpide et ordonné dans la vie de Richard Millet. Pas un ordre né du chaos, la chose serait trop bête, mais un ordre discret, imperceptible aux âmes avilies, et dont l’évidence n’étonne que ceux qui n’embrassent la vie du pays du Cèdre que par l’enchaînement des nouvelles.
Elles ne furent d’ailleurs pas rassurantes, cet été, etc. »

Charles de Meyer,Politique magazine n°216, septembre 2022.

Richard Millet, La Forteresse. Autobiographie 1953-1973, 304 pages, 24 €.