« Dans son terrifiant essai L’Europe et le spectre du califat, Bat Ye’or, l’historienne de l’islam, s’est remémorée “la question qui m’avait hantée voici vingt ans. Comment des peuples chrétiens, dotés d’États, de fortes armées et des plus riches cultures de leur temps, se désintègrent-ils dans leurs confrontations avec le djihad et la dhimmitude du VIe au XVe siècle ? Maintenant je ne me pose plus ces questions. Ces processus de décomposition que j’étudiais dans de vieilles chroniques, je les ai vus se dérouler dans l’Europe actuelle. Alors que je scrutais le passé, je le voyais se répéter dans le présent.”
Le sceptre d’un nouveau califat ne hante pas simplement l’Europe. Il est déjà en train de s’installer. L’Europe est déjà profondément engagée (…) et se transforme en vassale obéissante et soumise. C’est à ce processus que Bat Yé’Or nous fait assister.
L’expansion de l’empire musulman s’était opérée jadis par le djihad, la guerre de conquête, qui a transformé divers pays en “terres d’islam”. Les populations locales ont été converties, décimées, dotées d’un statut d’infidèles inférieurs, soumis à vexations et tribut, la dhimme.
Cette expansion était fondée sur une idéologie : le monde appartient aux fidèles et toute résistance à la conquête territoriale, politique et spirituelle est une rébellion illégitime contre l’ordre naturel, et doit être légitimement réprimée.
Quand l’Organisation de la Conférence islamique exige…
Or, on voit l’islamisme, au XXIe siècle, renouer avec son passé guerrier et militant, se lancer à la conquête ou “reconquête” du monde. Et le monde, objet de la conquête, collabore à son asservissement, s’autodétruisant en remplissant les exigences de ceux qui travaillent à le déconstruire.
Le mécanisme de cette collaboration, de cette autoinféodation, est bien rodé.
Ainsi, l’Organisation de la conférence islamique (OCI) veut “obtenir de l’ONU une résolution interdisant l’islamophobie et invitant les États membres à promulguer des lois, assorties de sanctions dissuasives pour la combattre”. L’Europe obtempère en fondant “sa politique et sa propagande anti-Bush sur la condamnation du combat militaire contre le terrorisme, privilégiant la recherche de ses causes profondes” .
L’OCI trouve urgent de “travailler avec la communauté internationale pour imposer des contraintes à Israël” et faire adopter son idéologie, selon laquelle “toute entreprise qui vise à étendre le domaine de l’islam est jugée ’résistance’. Ainsi les djihadistes palestiniens sont appelés ’résistants’ dans tous les textes officiels de l’OCI. En revanche, des attentats commis contre des Musulmans en Irak, Afghanistan, Pakistan, Maroc, Algérie, et dans d’autres pays musulmans, sont assimilés au terrorisme. Autrement dit, les mobiles définissent le terrorisme, et non la violation du droit humanitaire universel.”
L’Europe s’y plie et condamne “les pratiques d’autodéfense d’Israël contre le terrorisme comme agression ou disproportionnées”. Et un “Groupe de haut niveau” constitué par le secrétaire général de l’ONU préconise une “solution juste” du conflit israélo-arabe : Israël devrait faciliter l’établissement d’un État palestinien, “se sacrifier, se mutiler, se supprimer – comme l’Europe d’ailleurs le fait par elle-même – au nom de la morale djihadiste, de la paix et de la sécurité accordées dans l’univers de la dhimmitude”. De même “de la décolonisation de la Sicile, de l’Espagne, du Portugal, de la Serbie, de la Grèce et des États balkaniques, anciennes colonies ottomanes”.
Ou encore, quand l’OCI réclame “une base” construite par les penseurs, capable de guider les pays non musulmans et de sauver les générations futures, “un exemple pour ceux qui désirent endiguer le flot d’aberrations et de perdition afin de protéger les fils des générations contemporaines contre l’aveuglement et les façons bornées et insensées des mœurs, des coutumes et des concepts des non-Musulmans”, les parlementaires européens réunis à Strasbourg obtempèrent encore. Ils réclament “la reconnaissance historique de la culture arabe au développement européen” et demandent aux gouvernements européens “d’aborder le secteur culturel du dialogue euro-arabe dans un esprit constructif, et d’accorder une plus grande priorité à la diffusion de la culture arabe en Europe”. Et ainsi de suite.
Est-il trop tard ?
L’asservissement des sociétés d’Occident, l’imposition du califat se traduisent d’ores et déjà en Europe par des mesures administratives et des changements de mœurs. En Grande-Bretagne, et dans d’autres pays, on délègue à des intermédiaires musulmans “le soin de faire respecter par leurs coreligionnaires les lois nationales. Ce procédé, qui délègue à des Musulmans le pouvoir sur d’autres Musulmans émigrés, entérine l’une des lois principales de la dhimmitude qui interdit à l”infidèle’ d’exercer une autorité sur un Musulman.” _ Un véritable djihad juridique sévit. “Une condamnation prononcée dans un pays arabe peut entraîner une demande internationale d’arrestation à Interpol ( … ). Le risque d’extradition d’une personne innocente dans un pays musulman qui la jugerait coupable selon la charia, restreint la liberté de voyager.”
De même, dans certaines écoles, “les professeurs ne parviennent pas à enseigner l’histoire de la Shoah ni d’autres sujets écartés par des élèves musulmans hostiles. Cette situation scolaire est généralisée dans toute l’Europe ( … ). Les universitaires qui osent désormais écorner la doxa dictée par l’OCI sont assaillis par leurs collègues.” Un professeur français d’Histoire de l’École normale supérieure de Lyon en a fait l’expérience quand il a publié une étude savante sur la transmission de la culture grecque par des canaux grecs et latins au Moyen Âge. Il avait osé démentir “la tradition exclusivement musulmane de la science grecque aux Latins. Désormais, la diversité d’opinion est assimilée au blasphème, l’information objective taxée de racisme, tandis que la défense des valeurs judéo-chrétiennes et des identités nationales et culturelles devient de la xénophobie”.
Devant cette accumulation de faits, cette transformation déjà profonde des sociétés occidentales, le mot “pessimisme” est inapproprié pour qualifier le livre de Bat Yé’Or. Il pose la question de savoir si la descente aux abîmes est encore susceptible d’être arrêtée. »
Paul Giniewski, Jerusalem Post, n°26 du 4 au 10 janvier 2011, www.jpost.com.