Un entretien avec Olivier Véron dans Politique magazine à propos de la parution de Babel ou Israël.
— Vous mentionnez l’importance du père dans la vie de Pierre Boutang. En quoi la paternité est-elle également centrale dans son œuvre, et notamment dans sa conception du royalisme ?
— Je ne sais exactement comment il convient d’évaluer la loyauté radicale à l’égard de leur père (si étrangère à l’esprit de leur siècle) de deux auteurs dont la pensée et le travail ont été des modèles pour moi autant que des outils : Pierre Boutang et Michaël Bar-Zvi (qui fut son disciple). Il est clair que leur philosophie, en particulier leur philosophie politique (nationalisme royaliste et sionisme) prend appui absolument sur une exaltation du sentiment de filiation. Je ne sais ce qui m’émerveille le plus en eux, leur amour intégral pour leur père ou la décision qui est la leur de placer cette figure du père au cœur de l’existence et des définitions politiques. Le seul commandement positif de la Bible (« honore ton père et ta mère ») est satisfait joyeusement. Le père est respecté d’une manière si extra-morale (comme disait Nietzsche) qu’au-delà de l’admiration, on peut dire qu’il reçoit ainsi de ces fils les prémisses de la gloire, ceux-ci fondant sur cette pietas l’ordre effectif de la cité. L’origine qui ne peut être contestée, qui ne peut être confondue avec nulle autre et dont la primauté ne peut souffrir d’aucune corruption, c’est le père par où nous connaissons la paternité de Dieu. L’un et l’autre eurent des pères frappés par la douleur et l’humiliation de l’échec ou de la déportation, mais c’est lorsque la paternité est reconnue de manière inconditionnelle, comme figure de la loi et de sa force, qu’elle reçoit un privilège irremplaçable et salvateur, dispensant une autorité cardinale capable d’apprivoiser toute dissension. (…)