« Péguy ou les racines de l’esprit »
Toute sa vie, Charles Péguy fut voué à l’âpre solitude des chemins de crête qui sinuent entre la liberté et l’incompréhension. Ce Républicain dans l’âme aimait la monarchie ; ce socialiste (…) se fit catholique ; ce chantre de la nation (…) fut le seul à comprendre quels liens subtils et irrévocables peuvent unir le mystère français et celui d’Israël (…) Ni entièrement d’un camp ni tout à fait d’un autre, Péguy sera toujours irréductible à tout étiquetage simplificateur ; mais, pas de doute ! il est d’ici (…) L’art poétique de Péguy est inséparable de cette mystique de l’enracinement : « Je ne veux pas que l’autre soit le même, je veux que l’autre soit autre. » D’où chez le poète (…) cette protestation vitale des profondeurs d’une mémoire enracinée dans la liberté évangélique, contre une « démystication » généralisée. Pour Péguy, écrit Rémi Soulié, « l’inhumanité moderne a brisé (…) “la belle totalité française” organique » – cette cathédrale bloyenne du Moyen-Âge grâce à laquelle « le roi de France et le paysan de Saint-Denis étaient au fond du même monde » puisqu’ils avaient « le même Dieu (…) la même conscience, la même éternité » (…) Aux antipodes de la tentation du repli identitaire fondamentaliste et de la religion universaliste, Rémi Soulié montre comment l’écriture de Charles Péguy mêle à la revivification de nos racines charnelles une vision spirituelle de l’Histoire dans laquelle l’homme puisse accomplir sa vocation (…)
Pascal Romieu, 92 Express.