La nouvelle révolution scripturaire

ou le baiser au smartphone

par La nouvelle révolution scripturaire

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80 pages, 14 €


Ultime grande représentation d’histoire globale, non en tant que lutte des classes, progrès social ou liberté, mais comme piège… L’homme s’enferme progressivement dans la logique de la plus anodine, en apparence, et pourtant totalitaire et déshumanisante des inventions : l’écriture. Face à ce désastre bureaucratique plus insidieux que celui qu’étudie Hannah Arendt dans Les Origines du totalitarisme, Henri Du Buit ne nous laisse pas orphelins : il nous propose une interprétation salutaire de cette nouvelle révolution scripturaire, celle de l’intelligence artificielle, la super-écriture numérique catastrophique.
« Toute vraie révolution est d’abord une révolution dans la communication », disait le grand linguiste David Cohen. La mémoire et les gestes selon Marcel Jousse, le dialogue entre Je et Tu selon Martin Buber, la transmission vivante selon Israël et selon Pierre Boutang la vox cordis et la présence réelle, voilà les armes spirituelles et intellectuelles avec lesquelles il faudra affronter le XXIe siècle, dans la joie d’une remémoration actuelle de la Promesse divine. Tels sont les justes moyens pour s’opposer à tant d’inconséquence funeste pour notre liberté.

Ce petit livre résume quarante années de recherches sur cette unique question : l’écriture (qui fut pictographique donc figurative avant d’être alphabétique) peut-elle avoir été visée par l’interdit de se faire des images dans la Torah ? Il faut d’abord situer le rôle exact de cette question dans les grandes étapes de la pensée en Occident : rationalisme, individualisme, romantisme, capitalisme, impérialisme, totalitarisme… Puis Henri Du Buit se concentre sur la révolution numérique en cours, étudiée en tant que nouvelle révolution scripturaire : l’écriture numérique, la projection de la « réalité » sur écran plat, ce théâtre des idées et des opérations de la raison qui produit tout pour l’homme moderne mais creuse son sentiment d’exil dans l’abstraction. Enfin l’auteur scrute les effets de cette « transgression » scripturaire dans les domaines économique, juridique, politique, anthropologique et religieux.

Après ce livre Pierre Magnard, le grand lecteur de Pascal, a fait à Henri Du Buit cette déclaration : « Je revis le dialogue Montaigne Pascal, l’homme de la bibliothèque contre l’orante qui, à la fin de sa vie, disait que l’unique livre dont nous avions besoin était Jésus Christ crucifié. Les Pensées ne sont pas un livre, elles représentent ce qu’il faudrait appeler avec Maurice Blanchot, la défaite du livre, le livre devant se défaire pour que se manifeste la vérité, qu’il faut prendre son parti d’arracher à la formulation canonique et à son expression dogmatique. Telle était l’audace de Pascal : libérer la foi de toutes les contraintes dont on a cru devoir l’assortir.  »


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« Henri Du Buit, dans un sens assez proche de Jean-Claude Milner, laisse entendre que le glissement totalitaire de la modernité ne serait pas à chercher d’abord du côté des sciences de la nature mais du côté de la prédominance de l’écrit sur la parole. »

Fabrice Hadjadj, La foi des démons

 

« Au moment où l’écriture fait son début : elle paraît favoriser l’exploitation des hommes avant leur illumination. Cette exploitation, qui permettait de rassembler des milliers de travailleurs pour les astreindre à des tâches exténuantes, rend mieux compte de la naissance de l’architecture (…) Si mon hypothèse est exacte, il faut admettre que la fonction primaire de la communication écrite est de faciliter l’asservissement. L’emploi de l’écriture à des fins désintéressées, en vue de tirer des satisfactions intellectuelles et esthétiques, est un résultat secondaire, si même il ne se réduit pas le plus souvent à un moyen pour renforcer, justifier ou dissimuler l’autre. (…) Si l’écriture n’a pas suffi à consolider les connaissances, elle était peut-être indispensable pour affermir les dominations. Regardons plus de près de nous: l’action systématique des États européens en faveur de l’instruction obligatoire, qui se développe au cours du XIXe siècle, va de pair avec l’extension du service militaire et la prolétarisation. La lutte contre l’analphabétisme se confond ainsi avec le renforcement du contrôle des citoyens par le pouvoir. Car il faut que tous sachent lire pour que ce dernier puisse dire: nul n’est censé ignorer la loi. »

Claude Levy-Strauss