Olivier Véron, Les provinciales : « La vocation du théâtre. »

La vocation du théâtre est de susciter et de nourrir la vie en société. Dans le nôtre celle-ci puisera le réconfort d’une espérance qui ne trahit pas les exigences de l’esprit. Si le texte s’attaque à des sujets audacieux, c’est par souci de se mesurer authentiquement à notre temps et à ses contradictions, car il ne s’agit pas de « se divertir », mais de se réconcilier avec la condition humaine et d’accueillir l’histoire qui est en train de se faire (non seulement l’accepter mais vouloir qu’elle soit aussi la sienne.) Le face à face commence lorsqu’une parole est prononcée devant nous et que nous parvenons cette fois à la prendre au sérieux. N’ayons pas peur : une fois embarqué, le cœur réagit toujours avec fraicheur devant ce qui lui parle vraiment.
Quoi de plus salutaire qu’une réflexion pénétrante sur le lien singulier qui nous attache aujourd’hui, en Europe, à l’héritage d’Israël ? Quoi de plus fort et de plus riche que le théâtre pour la communiquer et pour partager cette joie de l’intelligence lorsqu’elle se penche sur les paradoxes de l’histoire et fait de ses défis la matière de sa contemplation ? Contre la médiatisation à outrance, la présence réelle des comédiens et des musiciens sur la scène est une grâce, notre planche de salut, la brèche qui permet de porter ici même la parole sans ménagement dont nous avons besoin, et de provoquer après deux heures de silence imposé l’explosion des échanges de vive voix. C’est à cela que nous vous invitons.
Nous devons appeler particulièrement les jeunes – peut-être les plus difficiles à mobiliser vraiment en dehors des modes où rien n’est dit – donc nous nous tournons vers ceux qui se soucient de leur devenir : « Homère ce matin est plus neuf que mon journal d’hier », disait Péguy – il faut donc que l’esprit des classiques, son incessante nouveauté, cette tradition super-vivante parvienne jusqu’à leurs oreilles là où ils se trouvent et qu’ils reçoivent ainsi, avec un langage neuf, la preuve distincte et actuelle d’appartenir à une culture pleine de force et d’avenir, parce que c’est celle de la vérité, tout simplement. L’inspiration juive et chrétienne subsiste au cœur de notre pays par l’éducation – c’est un signe, car elle retrouve à travers les difficultés que celui-ci rencontre dans son effort d’éducation nationale un rôle naturel et décisif, alors même que ce rôle a parfois été violemment mis en cause dans le passé. Continuons.

Olivier Véron, Les provinciales.