Lecture magistrale de Michaël Bar-Zvi par Isabelle de Mecquenem : « Une philosophie de l’antisémitisme est-elle possible ? »

Isabelle de Mecquenem est agrégée de philosophie et « enseigne depuis trente ans une discipline qui n’existe pas, la philosophie de l’éducation ». Responsable de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme à l’université de Reims Champagne Ardenne, membre du Conseil des sages de la laïcité du ministère de l’éducation nationale, co-directrice du Réseau de Recherche sur le Racisme et l’Antisémitisme, elle se penche avec beaucoup de pénétration et d’admiration sur le fameux livre de Michaël Bar-Zvi, Philosophie de l’antisémitisme (Les provinciales, 2019). Comme elle l’écrit à propos de l’essayiste israélien : « Il est inhabituel qu’un philosophe traque le sens d’un concept jusque dans des latrines publiques. » Voilà pourquoi, sans doute, ce livre est capable de produire en fin de compte « une surprise proche du choc ».

« Une philosophie de l’antisémitisme est-elle possible ? »

 

C’est moins un étonnement que suscite l’appariement de philosophie et d’antisémitisme qu’un malaise, une répugnance, voire une sidération. Comme si nous n’étions plus soudain sur le terrain exclusif de la connaissance et que nous mordions malgré nous sur celui de l’événement ; comme si le « capital raison », selon l’expression de Marcel Mauss désignant ainsi la « raison pure », la « raison pratique » et la « force du jugement » selon Kant, se trouvait d’abord démuni devant une forme de haine dont le grand paradoxe est d’être par excellence « abstraite ».
Deux poids lourds notionnels, certes, des mots retors aussi, d’autant plus frappants qu’ils peuvent rester vagues et équivoques, ainsi que les représentations qu’ils charrient, mais qui, en tout état de cause, semblent s’exclure à priori et se repousser radicalement. En soulignant qu’ils s’opposent avec autant d’acuité que l’idéalité pure confrontée à un monstre de l’Histoire, nous rappelons que l’antisémitisme sous l’angle de la philosophie ne relève de droit que d’un seul prédicat, celui donné par Jacques Maritain en 1937 : « impossible ». (…) [Suite ici^.]

Isabelle de Mecquenem (texte intégral disponible sur le site du Cercle de la Licra.)
www.lecercledelalicra.org