Contre-utopie

Si depuis des années nous nous efforçons de faire vivre cette petite maison, « Les provinciales », qui s’intéresse aux événements et à l’articulation du politique et du religieux à partir des relations entre Juifs et « chrétiens », ce n’est pas par exclusivisme, ni par humanisme, ni par humanité mais parce que c’est vital, et parce que les « hypothèses » juive et chrétienne, la question ouverte par l’inscription de la Bible dans l’histoire depuis la nuit des temps demeurent indestructibles.
Il est vital en effet pour notre existence concrète d’européen, pour cette civilisation singulière, de veiller au respect de la réalité et de l’histoire, de transmettre la passion de la vérité et de la connaissance, de donner le goût de la liberté, de la responsabilité et de la souveraineté politique ainsi que le courage de les défendre.
Nous sommes la civilisation du croisement de « l’homme grec et du Juif » – comme disait dans les années trente cette haute figure de la résistance intellectuelle allemande au nazisme, Theodor Haecker, dont les écrits marquèrent, au séminaire, le jeune Joseph Ratzinger.
Ce qu’il y a de fort et de beau dans l’histoire moderne d’Israël, contre-utopie, c’est que c’est la réalité qui suscite cette histoire et qui l’ordonne et c’est le souci du peuple tout entier, de sa condition présente, de son passé et de son avenir qui donne la force, la détermination et la ligne de l’action politique.
La « mystique » ne s’oppose ni à la réalité ni à la politique lorsqu’elle fonde la liberté et la responsabilité des personnes en même temps que le sens du bien commun. C’est la « mystique » même de la création de l’homme et du monde, la « mystique » de la parole et de l’histoire qui commande le souci politique par où passent nos premiers devoirs envers notre prochain.
Aucune des nations d’Europe n’a le droit de l’oublier. Ce n’est pas l’idée nationale qui a échoué au XXe siècle en Europe, mais la nation réduite à une « identité » à la fois partielle et totalitaire (Que resterait-il de la langue allemande sans Franz Kafka ?) – alors que la nation est une réalité vivante, une histoire et une vocation.
Une pro-vocation : la réalité et la vocation politiques de l’homme.
Nous vous souhaitons une bonne année 2008, soixantième anniversaire de la création de l’État d’Israël, « la seule rançon, la seule création positive répondant à l’horreur infinie de la seconde guerre mondiale » (Pierre Boutang).

Olivier Véron

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